Évasion fiscale : les « Pandora Papers »

Le consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) publie ce dimanche 3 octobre des enquêtes issues d’une gigantesque fuite de documents provenant de quatorze cabinets spécialisés dans les paradis fiscaux. Quelque 300 responsables publics, 35 chefs d’État et 130 milliardaires y figurent.

Le consortium international de journalistes de l’ICIJ la présente comme l’une des plus grandes fuites de documents de l’histoire. Tous les détails n’ont pas encore été révélés, mais les premières informations divulguées ce dimanche 3 octobre par les 150 médias ayant eu accès aux informations, dont Le Monde, Radio France et « Cash Investigation », donnent déjà une idée de l’ampleur du séisme que devraient susciter les Pandora Papers.

Les 12 millions de documents issus des centres offshores les plus opaques de la planète et transmis par une source anonyme au consortium ont en effet permis de retrouver la trace de 130 milliardaires et de 35 chefs d’État (anciens ou actuels).

Parmi les dizaines de milliers de propriétaires de sociétés a priori soucieux de dissimuler leur fortune et d’échapper à l’impôt, figurent ainsi l’ancien premier ministre britannique Tony Blair, pour avoir acheté un bien immobilier à Londres par le biais d’une société à l’étranger ; le roi Abdallah II de Jordanie pour avoir créé au moins une trentaine de sociétés offshores, par lesquelles il a acheté 14 propriétés de luxe aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars.

Le premier ministre tchèque, Andrej Babis, a placé 22 millions de dollars dans des sociétés-écrans qui ont notamment servi à financer l’achat du château Bigaud, une grande propriété située à Mougins, dans le sud de la France.

Le président équatorien, Guillermo Lasso, a logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux États-Unis, dans le Dakota du Sud.

Et dans les documents, on trouve aussi la trace de l’ancien ministre français et ancien directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, le président kenyan Uhuru Kenyatta, le premier ministre libanais Najib Mikati, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le président gabonais Ali Bongo, le premier ministre ivoirien Patrick Achi, le président congolais Denis Sassou Nguesso…

Les données, qui répertorient 29 000 sociétés offshores, sont issues de quatorze cabinets spécialistes de la création de sociétés anonymes, situés dans des paradis fiscaux (Belize, îles Vierges britanniques, Chypre, Dubaï, etc.). Les documents couvrent une période s’étalant de 1996 à 2020.

Et en les épluchant, l’ICIJ a dénombré 600 personnalités françaises, parmi lesquelles « une poignée d’hommes politiques ».

Bien sûr, il ne s’agit pas d’une découverte. Avant les Pandora Papers, les Offshore Leaks (2013), China Leaks (2014), Panama Papers (2016), Bahamas Leaks (2016), Football Leaks (2016), Money Island (2017), Malta Files (2017), Paradise Papers (2017), Dubaï Papers (2018), FinCEN Files (2020), OpenLux (2021), ont documenté tour à tour la propension extraordinaire des hommes riches et puissants à dissimuler leurs avoirs à leur propre administration fiscale.

Une étude réalisée en 2020 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évaluait ainsi à 11 300 milliards de dollars les sommes détenues dans des places offshores. Mais chaque nouveau leak documente plus précisément l’ampleur du phénomène, et s’il n’est pas efficace à faire s’écrouler le système, il présente au moins le mérite de faire peur. Nul n’est à l’abri d’un leak.


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