La fondation fantôme de Claude Guéant
Les membres de l’organisation qui a embauché Claude Guéant ont accumulé les poursuites pénales pour avoir vendu des prêts fictifs, de fausses qualités diplomatiques, ou pour escroquerie. L’un d’eux se prétend même conseiller d’Emmanuel Macron. Source : Médiapart
« L’OIDE a beaucoup de capacités. On va constituer un dossier complet pour vous envoyer les informations, les supports, et les justificatifs. Tu nous diras combien on doit payer pour la promotion, et on paye », propose Koffi Laouré, président de l’Organisation internationale de développement économique (OIDE).
L’homme qui a embauché Claude Guéant en mai 2019, en qualité « d’ambassadeur permanent auprès des Nations unies », passe une partie de son temps à promettre des emplois et des salaires mirobolants autour de lui. Pourquoi pas aux journalistes ? Le temps presse. Via WhatsApp, Koffi Laouré signale le 6 février qu’il s’apprête à annoncer à « l’humanité entière » un pacte mondial de solidarité conjointement avec une mystérieuse « Alpha Omega Station ».
Présenter l’OIDE comme une « fondation fantôme » est un « pur mensonge », prévient Koffi Laouré, et cela « porte atteinte à la souveraineté des pays membres qui ont apporté leur aval à l’OIDE » (en lui accordant des « accords de siège »), et même « à l’intégrité des instances internationales, notamment la Cour internationale de justice », soutient-il… Si l’organisation n’a pas été en mesure de payer le salaire promis à Claude Guéant (228 249 dollars annuels), ni ceux offerts à la plupart de ses ambassadeurs, c’est qu’elle attend le « jour J » du lancement de ses activités… depuis 20 ans.
Les juges ont d’ailleurs considéré que « l’OIDE n’était manifestement qu’une coquille vide sans activité réelle », et le contrat de Guéant « litigieux ». L’ancien ministre de l’intérieur, qui l’avait utilisé pour obtenir un aménagement de peine et un délai pour payer les dommages-intérêts dus dans l’affaire des primes en liquide, a été incarcéré du 13 décembre au 9 février, faute d’avoir payé à temps.
« Je me suis aperçu qu’on nous berçait d’illusions, j’ai envie de dire qu’on nous racontait des bobards », explique Gilles Assouline, un économiste nommé « ambassadeur » en Chine (il a démissionné en 2019), joint par Mediapart. « Tous les deux ou trois mois, l’OIDE annonçait qu’elle avait levé des centaines de milliards de dollars. Ce qui m’a fait quitter rapidement l’organisation, c’est que je n’arrivais pas à retrouver sa trace aux Nations unies. Je n’arrivais pas à retrouver la moindre réalisation de leur part depuis près de quatorze ans. M. Laouré est allé promettre à des pays qu’il allait développer des projets extraordinaires, et il n’a jamais rien fait, et ça fait maintenant presque 20 ans. »
Durant cette longue période, des « ambassadeurs », des « inspecteurs » ou des « gouverneurs », figurant dans l’organigramme de l’OIDE aux côtés de Claude Guéant et Gilles Assouline, ont été mis en cause par la justice pour avoir vendu des prêts fictifs ou de fausses qualités diplomatiques, ou tout simplement pour escroquerie, aux États-Unis, en Bolivie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Italie... Koffi Laouré lui-même a dû quitter l’Italie après son arrestation en avril 2019, porteur d’une « note diplomatique » délivrée par son organisation qui ne lui a évidemment offert aucune protection.
Un conseiller fantôme
Parmi les « gouverneurs » de l’OIDE, le « chargé de mission économique et de développement durable » se distingue tout particulièrement. Sur sa page LinkedIn, Ahmed Boutamo se présente en effet comme « conseiller collaborateur du président de la République », exerçant cette fonction depuis le mois de mai 2017. Bardé de diplômes en robotique, administration des affaires et aviation civile (obtenus dans les universités de Toulon, d’Amiens, de Lyon 3, de Sydney et de San Bernardino), il aurait rejoint En Marche! en juin 2016, et participé à la campagne présidentielle et à celle des législatives dans l’Est parisien. Sur ses comptes Facebook et Twitter, il affiche quelques photos de type selfie avec Emmanuel et Brigitte Macron, qu’il utilise en photo de profil, mais aussi de Mounir Mahjoubi.
Mais Ahmed Boutamo est inconnu au standard de l’Élysée. Joints par Mediapart, les services de la présidence indiquent non seulement qu’il ne figure « pas dans l’annuaire », mais qu’il n’y a « aucune trace d’un passage officiel à l’Élysée ». Il y est pourtant allé au moins une fois, lors d’une réception donnée le dimanche 15 mai 2017, en compagnie d’un attaché parlementaire En Marche!, Nour El Hadri, et de Grichka Bogdanoff.
Joint via LinkedIn, le conseiller fantôme du président nous a indiqué qu’il n’était « pas disponible » pour répondre à nos questions, puis il ajouté le mot « indépendant » à la mention conseiller collaborateur, avant d’effacer tout bonnement sa page. « Nous n’avons pas à répondre à la place de la présidence de la République française, sachant de surcroît qu’il y a de nombreux conseillers qui n’apparaissent pas dans les organigrammes officiels, a commenté Koffi Laouré, surtout lorsqu’ils conseillent les présidents, et ce pour des raisons discrétionnaires, notamment dans les voyages officiels à l’étranger. » Le président de l’OIDE fait remarquer qu’Ahmed Boutamo a signalé sur différents sites « des actions pour l’accueil présidentiel à l’étranger, notamment au Kurdistan ». À l’en croire, ses missions ne seraient donc pas fictives mais secrètes. Et certainement fumeuses.
Arrestations en Italie
Bien qu’on ne sache pas ce qui l’a provoquée, l’interpellation de Koffi Laouré à Chieti, en Italie, en avril 2019, a été mouvementée. « J’ai entendu des bruits, et on a tapé à ma fenêtre et j’ai vu une douzaine de gendarmes [les carabiniers – ndlr] arriver, raconte Koffi Laouré à Mediapart. Trois sont entrés par la fenêtre. Ils étaient armés de pistolets et de kalachnikovs. On m’avait assimilé à un terroriste qui faisait un trafic d’explosifs et d’armes. Je n’avais qu’une guitare et mon ordinateur. »
Les juges ont d’ailleurs considéré que « l’OIDE n’était manifestement qu’une coquille vide sans activité réelle », et le contrat de Guéant « litigieux ». L’ancien ministre de l’intérieur, qui l’avait utilisé pour obtenir un aménagement de peine et un délai pour payer les dommages-intérêts dus dans l’affaire des primes en liquide, a été incarcéré du 13 décembre au 9 février, faute d’avoir payé à temps.
« Je me suis aperçu qu’on nous berçait d’illusions, j’ai envie de dire qu’on nous racontait des bobards », explique Gilles Assouline, un économiste nommé « ambassadeur » en Chine (il a démissionné en 2019), joint par Mediapart. « Tous les deux ou trois mois, l’OIDE annonçait qu’elle avait levé des centaines de milliards de dollars. Ce qui m’a fait quitter rapidement l’organisation, c’est que je n’arrivais pas à retrouver sa trace aux Nations unies. Je n’arrivais pas à retrouver la moindre réalisation de leur part depuis près de quatorze ans. M. Laouré est allé promettre à des pays qu’il allait développer des projets extraordinaires, et il n’a jamais rien fait, et ça fait maintenant presque 20 ans. »
Durant cette longue période, des « ambassadeurs », des « inspecteurs » ou des « gouverneurs », figurant dans l’organigramme de l’OIDE aux côtés de Claude Guéant et Gilles Assouline, ont été mis en cause par la justice pour avoir vendu des prêts fictifs ou de fausses qualités diplomatiques, ou tout simplement pour escroquerie, aux États-Unis, en Bolivie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Italie... Koffi Laouré lui-même a dû quitter l’Italie après son arrestation en avril 2019, porteur d’une « note diplomatique » délivrée par son organisation qui ne lui a évidemment offert aucune protection.
Un conseiller fantôme
Parmi les « gouverneurs » de l’OIDE, le « chargé de mission économique et de développement durable » se distingue tout particulièrement. Sur sa page LinkedIn, Ahmed Boutamo se présente en effet comme « conseiller collaborateur du président de la République », exerçant cette fonction depuis le mois de mai 2017. Bardé de diplômes en robotique, administration des affaires et aviation civile (obtenus dans les universités de Toulon, d’Amiens, de Lyon 3, de Sydney et de San Bernardino), il aurait rejoint En Marche! en juin 2016, et participé à la campagne présidentielle et à celle des législatives dans l’Est parisien. Sur ses comptes Facebook et Twitter, il affiche quelques photos de type selfie avec Emmanuel et Brigitte Macron, qu’il utilise en photo de profil, mais aussi de Mounir Mahjoubi.
Mais Ahmed Boutamo est inconnu au standard de l’Élysée. Joints par Mediapart, les services de la présidence indiquent non seulement qu’il ne figure « pas dans l’annuaire », mais qu’il n’y a « aucune trace d’un passage officiel à l’Élysée ». Il y est pourtant allé au moins une fois, lors d’une réception donnée le dimanche 15 mai 2017, en compagnie d’un attaché parlementaire En Marche!, Nour El Hadri, et de Grichka Bogdanoff.
Joint via LinkedIn, le conseiller fantôme du président nous a indiqué qu’il n’était « pas disponible » pour répondre à nos questions, puis il ajouté le mot « indépendant » à la mention conseiller collaborateur, avant d’effacer tout bonnement sa page. « Nous n’avons pas à répondre à la place de la présidence de la République française, sachant de surcroît qu’il y a de nombreux conseillers qui n’apparaissent pas dans les organigrammes officiels, a commenté Koffi Laouré, surtout lorsqu’ils conseillent les présidents, et ce pour des raisons discrétionnaires, notamment dans les voyages officiels à l’étranger. » Le président de l’OIDE fait remarquer qu’Ahmed Boutamo a signalé sur différents sites « des actions pour l’accueil présidentiel à l’étranger, notamment au Kurdistan ». À l’en croire, ses missions ne seraient donc pas fictives mais secrètes. Et certainement fumeuses.
Arrestations en Italie
Bien qu’on ne sache pas ce qui l’a provoquée, l’interpellation de Koffi Laouré à Chieti, en Italie, en avril 2019, a été mouvementée. « J’ai entendu des bruits, et on a tapé à ma fenêtre et j’ai vu une douzaine de gendarmes [les carabiniers – ndlr] arriver, raconte Koffi Laouré à Mediapart. Trois sont entrés par la fenêtre. Ils étaient armés de pistolets et de kalachnikovs. On m’avait assimilé à un terroriste qui faisait un trafic d’explosifs et d’armes. Je n’avais qu’une guitare et mon ordinateur. »
Le quotidien italien Il Centro annonce que « la police a démasqué un faux diplomate, originaire de Côte d’Ivoire », qui était dans l’attente d’un permis de séjour, qu’il espérait obtenir grâce à un projet de collaboration avec l’université locale. L’homme « se faisait passer pour le président d’une organisation fantôme de développement économique reconnue par l’ONU » et, selon Il Centro, avait fait une demande de séjour qualifiée « d’infondée et de frauduleuse » par la préfecture. Il a donc été expulsé et raccompagné par la police italienne à l’aéroport de Fiumicino, rapporte le journal.
Faux, répond Koffi Laouré. Le visa avec lequel il était venu en Europe était « arrivé à expiration » et la juge lui a donc « recommandé » de rentrer dans son pays pour refaire ses papiers, et revoir sa famille. « C’est un départ volontaire, assure M. Laouré. Il n’y a pas de trace, ni d’images de la télé italienne, la police ne m’a pas mis les menottes, non. »
En Italie, et à Chieti, Kouffi Laouré avait été accueilli par trois « gouverneurs » de l’OIDE mis en cause par la justice. Le 4 juin 2013, les carabiniers annoncent lors d’une conférence de presse à Rome avoir démantelé le réseau d’un faux ordre de chevalerie. À sa tête, le grand maître Franceso Salvo Callegaro, 46 ans, n’est autre que le gouverneur de l’OIDE chargé de l’humanitaire. Parmi les neuf autres, un universitaire, Luigi Panzone, 56 ans, est le vice-président de l’OIDE, chargé de la prospective économique.
Callegaro part en détention, Panzone est placé sous contrôle judiciaire. Le réseau est accusé d’escroquerie, d’attribution illicite d’honneurs et de décorations, et… de complicité d’immigration clandestine. À l’origine, un imprimeur s’était inquiété d’avoir à imprimer des passeports et des fausses cartes de l’Ordre souverain de Malte de Saint-Jean de Jérusalem.
Selon les carabiniers, le réseau de chevalerie faisait payer jusqu’à 10 000 euros l’entrée dans l’ordre, et une association de « Volontaires de la protection civile » rattachée au faux ordre proposait, moyennant finances (entre 3 000 et 5 000 euros le « forfait »), des formations à l’utilisation d’un défibrillateur et faisait des promesses d’embauche à des jeunes Tunisiens. Le 23 novembre 2012, 66 personnes avaient été stoppées à l’aéroport de Fiumicino, encadrées par des Italiens membres du réseau, munis d’un faux visa collectif et de cartes d’adhérents à l’ordre.
La procédure n’est pas close aujourd’hui. « Ces deux personnes bénéficient pour l’instant de la présomption d’innocence, fait savoir Kouffi Laouré. Et il n’est pas question de violer le secret d’une éventuelle instruction pour la transformer en tribunal médiatique. » Un « procureur » de l’OIDE veille au grain et en tirera les conséquences.
Mais Luigi Panzone tombe pour une autre affaire, en mars 2014. Professeur de techniques bancaires à la Faculté des sciences de gestion de l’université D’Annunzio, il est soupçonné d’avoir monnayé l’obtention de diplômes et truqué des examens. En décembre 2016, il est condamné à quatre ans et deux mois de prison pour corruption et faux. Sa compagne, Joëlle Touiti, qui est elle aussi gouverneure à l’OIDE, ambassadrice auprès de l’Italie, Israël et l’Ordre souverain de Malte Saint-Jean de Jérusalem – le même que précédemment –, est poursuivie pour complicité, avant d’être mise hors de cause au tribunal. En avril 2019, Panzone voit sa peine réduite à trois ans et onze mois, puis sa condamnation cassée en juillet 2021. La cour d’appel de Pérouse doit le rejuger prochainement.
Ces démêlés judiciaires n’empêchent pas Panzone et Touitou de créer un nouveau site au nom de l’OIDE, présidé par Laouré, Global Review. Panzone, sous l’alias de Moreno Pierangeli, en coordonne le comité éditorial, et Touitou en est la vice-présidente.
Dans une actu mise en ligne, le 7 février, après la publication du premier volet de cette enquête, Global Review a fait croire que Mediapart avait publié « intégralement » une longue interview de Koffi Laouré, intitulée « Renaissance de l’utilité des organisations internationales avec l’OIDE ». L’interview avait en réalité été postée sur un blog (Aina Olala) ouvert par le directeur de la communication de l’OIDE, Dominique Calace de Ferluc (Mediapart l’a depuis dépublié). Koffi Laouré y annonçait que l’OIDE avait élaboré une « feuille de route de sortie de crise du Covid-19 », mettant « à la disposition des pays et des populations exposées à la pandémie une chaîne d’approvisionnement mondiale de produits de prévention sanitaire ». Encore du bluff.
Des milliards virtuels
Les pratiques des collaborateurs ou des représentants de l’OIDE se font jour un peu partout dans le monde. Le 4 mai 2017, un homme d’affaires de nationalité américaine, Fazur Alberto Estrada, est interpellé à El Alto, en Bolivie. L’agent de l’OIDE avait lancé un vaste projet de construction de logements bon marché destinés aux communautés rurales, et facturait avec entrain les candidatures, sans même que les plans et les lieux de construction n’aient été définis. Il était question de doter le pays de près de 210 000 habitations réparties sur neuf départements. Estrada était représentant de l’OIDE en Côte d’Ivoire au moment des faits.
« Le droit appelle ça un acte isolé, commente Koffi Laouré. Moi, je n’ai pas envoyé Estrada là-bas. Il y est allé en tant qu’homme d’affaires dans le cadre de son entreprise privée. Il a commis là-bas une faute. Il m’a dit qu’il y était allé pour construire des logements, mais qu’il y a eu des incompréhensions entre lui et ses partenaires. C’est une affaire qui n’a rien à voir avec l’OIDE. »
La justice bolivienne a condamné Fazur Estrada à cinq ans de prison en 2020 pour escroquerie aggravée. Il a fait appel en soutenant que l’incarcération l’avait empêché de concrétiser son « programme de logement social digne pour tous ». Les juges ont estimé qu’il avait délibérément berné des familles modestes en leur faisant payer leurs formulaires de candidature, pour réunir les 500 000 dollars qu’il jugeait nécessaires au lancement de l’opération – dont le budget total avoisinait 8 milliards de dollars. Contrairement aux dires de Koffi Laouré, Estrada avait fait valoir sa qualité de « conseiller d’une organisation internationale liée à l’ONU » engagée dans la réduction de la pauvreté. Des documents préparatoires auraient été envoyés à l’OIDE. Et l’organisation avait été mentionnée comme un possible, et puissant, partenaire.
Des milliards de dollars, c’est aussi ce qu’avait offert un futur cadre de l’OIDE, Frank Mezias, à la tribu Ogala Sioux. En avril 2011, le président de cette tribu, John Yellowbird Steele, annonçait avoir reçu une proposition de financement de 7,1 milliards de dollars de l’Unesco. Il appelait les membres des neuf districts de sa communauté à établir des « listes de souhaits » à présenter aux représentants de l’organisation internationale. Intrigué par les adresses mails des pseudo-agents de l’Unesco, plusieurs tribus indiennes avaient mis au jour la tentative d’escroquerie de Frank Mezias. Peu après, en mars 2012, ce dernier était nommé « inspecteur général » par l’OIDE. Et deux ans plus tard, il réapparaissait sur l’île de Bougainville, région autonome de Papouasie-Nouvelle-Guinée, pour offrir des fonds aux séparatistes du sud de l’île et leur permettre d’imprimer leur monnaie.
« Le roi autoproclamé avait donné un mandat à Mezias et à un autre [Barry Webb – ndlr] pour aller créer une banque centrale, et ils ont été interpellés en Guinée-Papouasie, expose Koffi Laouré, qui connaît parfaitement l’épisode. Ils n’avaient pas d’ordre de mission de l’OIDE, mais celui du roi pour essayer d’imprimer de nouveaux billets. Nous, on n’avait rien à y voir. J’ai essayé de les appeler, mais c’était trop tard. Je me suis mis en relation avec l’ambassade des États-Unis, qui m’a dit : “Ça ne vous concerne pas, ce sont des ressortissants américains.” Ils se sont rendus coupables de délits. Moi, dans un tel cas, j’ai fait comme tout responsable éclairé. J’ai pris mon Bic et j’ai mis fin à leurs fonctions. »
Par la suite, Mezias se serait encore rendu en Ukraine, où il aurait poursuivi son activité en utilisant sa carte de l’OIDE.
L’ambassadeur et chef du bureau de représentation régional de l’OIDE pour la Roumanie, la Moldavie, l’Ukraine, la Bulgarie, la Biélorussie et la Turquie, Fiodor Ghelici, un conservateur moldave homophobe, joue au chef d’État virtuel. Il annonce que l’OIDE « stoppe sa collaboration » avec la Moldavie. « Ils reconnaissent les organisations de défense des droits des homosexuels, mais ils ne reconnaissent pas une organisation qui aide les gens comme nous dans le monde », se plaint-il. Il soutient que le gouvernement veut vider la Moldavie de ses habitants pour devenir un « paradis pour homosexuels ». En mai 2021, Ghelici fait savoir que l’OIDE a signé « un accord de coopération avec le gouvernement philippin » pour les projets prioritaires de la Moldavie, et que l’organisation aura désormais les moyens de s’affranchir de l’État, et de « travailler directement avec les régions et les mairies », et notamment la Transnistrie, région frontalière avec l’Ukraine, pour laquelle il réclame plus d’autonomie. Encore des milliards… virtuels.
Du pétrole et de l’or russe
L’OIDE vit de ses propres promesses. « Ils ont annoncé qu’ils collaboraient avec Alpha Omega, qui est une structure obscure, qui dispose soi-disant de trillions de dollars, commente l’ancien ambassadeur Gilles Assouline. On est dans le fantasme le plus total. C’est vraiment n’importe quoi. »
« L’OIDE dispose de liquidités dans chaque banque centrale qui existe sur la planète Terre, répète pourtant Koffi Laouré. On a de l’argent partout. Le bailleur de fonds est l’ICCF, l’International Christian Charity Found. Nous avons signé avec le Fonds de charité des chrétiens, ce qui a été contresigné par la Maison Blanche, et qui a été enregistré aux Nations unies, et par la Banque mondiale, la Federal Reserve, la Banque centrale de compensation en Suisse. La personne qui parle au nom de ce fonds s’appelle Laouré Koffi. Un acte officiel donne la propriété officielle de ce fonds. Le fonds existe dans toutes les banques du monde. J’ai mes codes. J’ai le code Euroclear, j’ai le code Clearing, j’ai le code de déblocage de tous les fonds. Les fonds dont je vous parle apparaissent sur tous les écrans des banques. C’est clair et net. »
Le bailleur de fonds mentionné par Koffi Laouré, l’ICCF, n’est pas inconnu des services antifraudes. Il est apparu dans l’enquête sur la déconfiture d’un fonds spéculatif, DD Growth Premium, survenue en pleine crise financière, en 2008. L’International Christian Charity Found était alors garant à hauteur de dix milliards de dollars, en actifs pétroliers, d’obligations émises par une obscure société du Nevada. Selon un spécialiste de la fraude consulté par Reuters, les documents d’offre de ces obligations suspectes s’avèrent « totalement absurdes », « c’est une arnaque ». Les obligations ne valent rien. Derrière l’ICCF et la société Pacific Global Oil, la justice découvre les manœuvres d’un homme d’affaires russe, Vladimir Kobzar. Basé en Espagne, au sud de Barcelone, ce dernier gère l’ICCF comme une fondation fantôme, sans activité caritative connue.
Une assistante de l’ICCF explique à Reuters que Kobzar, bien qu’il ait été poursuivi et incarcéré en Russie, a été « responsable de gros actifs de l’Union soviétique, de la Russie et maintenant de certaines positions mondiales », et a été « contrôlé par les banques centrales ». En juillet 2007, l’ICCF aurait écrit au président Vladimir Poutine pour lui proposer de faire du rouble la principale monnaie mondiale, en lui précisant que la fondation avait « le soutien de pays africains, européens et latino-américains pour annuler la dette russe ».
Or Vladimir Kobzar est aussi derrière l’Alpha Omega Station (AOS), le partenaire officiel de l’OIDE. Dans ses documents administratifs, l’organisation de Koffi Laouré précise avoir un programme commun avec l’AOS, bénéficiant « d’un soutien financier illimité dans toutes les banques centrales ».
Dans un document d’avril 2014, l’Alpha Omega Station informe « toutes les parties concernées du début du processus de restructuration globale au bénéfice du Monde et de l’Humanité » (sic), et présente Vladimir Kobzar comme son propriétaire et unique autorité, ayant signature sur tous ses comptes. En outre, Kobzar serait « le bénéficiaire et l’unique signataire des dépôts extérieurs de l’ex-Union soviétique », et aurait une autorisation de la Russie pour veiller sur de prétendus « dépôts d’or de l’Union soviétique à Fort Knox ».
Koffi Laouré, pourtant prolixe, n’en dira pas plus sur l’Alpha Omega Station : « C’est un accord qui a des clauses de confidentialité, on ne peut pas le donner à un journaliste, puisque c’est destiné aux banques. Quand on sera devant un juge, qui nous présentera une réquisition, on lui donnera la copie. » Mais il va en parler bientôt devant la presse mondiale. « Nous, on n’est pas des mafieux, même si les gens associent l’OIDE à des associations mafieuses, ou fantômes, moi je suis un vrai démocrate. »